La baisse des prix de l’immobilier menace-t-elle l’économie ? - 8 juillet 2024
La baisse des prix de l’immobilier en France soulève des interrogations au sujet du scénario de reprise progressive de l’économie. Le lien de causalité allant des prix de l’immobilier au cycle économique général doit cependant être fortement relativisé.
Les premières indications données par les réseaux d’agences immobilières pour le deuxième trimestre suggèrent que les prix des logements en France auraient baissé de 4% à 7% par rapport à la même période de l’année dernière. Depuis le point haut du T3 2022, les prix auraient donc chuté d’environ 10%. Dans les autres pays de la zone euro, cependant, les tendances sont assez différentes (graphique 1). Après une forte baisse en 2022 et 2023, les prix remontent un peu en Allemagne. En Espagne, la hausse s’est poursuivie, et en Italie les prix de l’immobilier semblent stabilisés. La correction immobilière récente est donc essentiellement française.
Si les prix affichés ont donc, à ce jour, peu baissé en moyenne dans la zone euro, les prix réels – c’est-à-dire ajustés de l’inflation – ont connu une nette correction du fait de l’envolée des prix à la consommation depuis 2021. En zone euro, les prix de l’immobilier ont donc bien décroché par rapport à l’inflation des biens et services. Dans le passé, ces corrections des prix réels étaient symptomatiques des périodes de récession (graphique 2).
Pour beaucoup d’observateurs, il semble donc difficile de croire à la résilience de l’économie européenne alors que les prix réels de l’immobilier résidentiel perdent 10%, et que ceux de l’immobilier commercial chutent fortement. Pourtant, la causalité fonctionne bien dans un sens, mais pas nécessairement dans l’autre. Si les récessions produisent en général une baisse des prix réels de l’immobilier du fait de la baisse des revenus, une baisse des prix de l’immobilier a, à elle seule, peu de raisons de faire plonger l’ensemble de l’économie. D’abord parce que le poids du secteur dans l’économie n’est pas suffisant pour faire basculer la croissance, et ensuite parce que les liens entre prix réels de l’immobilier, activité et emploi dans le secteur sont très lâches.
A 10% du PIB de la zone euro, le poids du secteur de l’immobilier semble significatif, mais l’essentiel de ces 10% provient des services que rend l’immobilier, services mesurés par les locations et les loyers « imputés » aux ménages propriétaires de leur logement. Le secteur de l’immobilier véritablement affecté par l’évolution des prix et des transactions est nettement plus modeste, inférieur à 2% du PIB, et 1% de l’emploi total. Même si on ajoute à cela le secteur de la construction, on atteint à peine 7,5% de l’emploi total. De plus, la baisse des prix réels de l’immobilier n’a pas eu, à ce stade, d’impact fort sur l’emploi de ces secteurs dans l’ensemble de la zone euro (graphique 3).
L’impact direct de la baisse des prix de l’immobilier est donc assez faible. Reste cependant les effets indirects, dont les effets de richesse. L’effet de richesse suppose que face à une baisse de sa richesse, par exemple immobilière, un ménage désirera épargner plus (et donc moins consommer) pour reconstituer sa richesse perdue. Les études successives menées en France et dans les autres pays de la zone euro suggèrent que ces effets sont faibles à très faibles, alors qu’ils sont parfois assez significatifs dans les pays anglo-saxons. La consommation en Europe sera probablement beaucoup plus dépendante de l’emploi et du pouvoir d’achat, ce dernier évoluant enfin positivement depuis à peu près un an puisque l’inflation des biens et services est passée en dessous de l’inflation salariales.
Enfin, l’hypothèse d’une spirale baissière sur les prix de l’immobilier en Europe – spirale qui pourrait finir par avoir des effets plus notables sur l’économie – est devenu moins probable avec le processus de baisse des taux d’intérêt engagée par la Banque Centrale Européenne depuis le 6 juin 2024.